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                | PHILIPPE LAVILLE. --Qu'est-ce que l'habitat écologique ? 
                  Confusions et priorités 
 Un 
                  chantier pharaonique
 
 
 
                    
                    « Dans l'habitat écologique, il y a 
                  l'aspect énergétique, c'est-à-dire un habitat économe qui 
                  consomme peu, ou pas (1), et l'aspect sanitaire, lorsque la 
                  construction elle-même ne nuit pas à la santé des occupants, à 
                  l'environnement extérieur. On peut très bien imaginer une 
                  maison saine mais pas économe en énergie et inversement. L'un 
                  n'entraîne pas l'autre. De même, on peut mettre en place des 
                  isolants efficaces mais très polluants. La confusion peut 
                  aller plus loin. Qu'est-ce qui participe de l'écologie ? Une 
                  maison bioclimatique avec du chanvre au milieu de la campagne 
                  alors que la famille travaille à 50 kilomètres avec deux 
                  voitures ? Ou l'appartement construit par une société HLM près 
                  du lieu de travail de la même famille qui évite les transports 
                  ?
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                      | « Nous savions faire l'habitat écologique il y a 
                        vingt-cinq ans, mais cela n'a intéressé personne » PHOTO PHILIPPE TARIS
 
 |  Ces éléments échappent souvent à tous ceux qui ont vite 
                  fait de vendre le label écologique à l'écart d'une politique 
                  globale. A la base d'une maison écologique, il y a, bien sûr, 
                  l'isolation, que l'on confond avec l'inertie thermique. 
                  L'isolation sert à réduire les échanges entre l'intérieur et 
                  l'extérieur. L'inertie permet de stocker, réguler et décaler 
                  les échanges thermiques. On ne peut pas concevoir un habitat 
                  bien isolé sans inertie. L'écologie, c'est la prise en compte 
                  de l'homme dans son environnement. L'habitat écologique, c'est 
                  la construction saine et économe adaptée au climat. Pourquoi 
                  cet habitat est-il complètement marginal ? Des expériences 
                  très concluantes réalisées ici et là dans les années 1980 
                  avaient captivé l'Europe. Les services de l'Etat eux-mêmes 
                  avaient montré que l'économie globale était viable, avec des 
                  ratios de consommation inférieurs à ceux dont on se gargarise 
                  aujourd'hui. On savait faire des maisons qu'on appellerait de 
                  nos jours "à énergie positive". Mais, localement, cela n'a 
                  intéressé personne. Ni les offices HLM ni les hommes 
                  politiques n'ont suivi. »
 
 
 La vérité du 
                  coût. « Nous 
                  avons perdu beaucoup de temps, notamment en stigmatisant 
                  pendant des années les écologistes et leur courant de pensée. 
                  Relisons les livres de René Dumont. Ils portent une grande 
                  part des arguments développés aujourd'hui. Le gros enjeu du 
                  Grenelle pour le logement, c'est la réhabilitation de 
                  l'existant dans laquelle il va, notamment, falloir intégrer la 
                  sauvegarde du patrimoine. Une réflexion s'impose. Difficile 
                  d'imaginer que l'on puisse mettre demain des fenêtres en PVC 
                  dans le Bordeaux de l'Unesco. C'est un chantier pharaonique. 
                  Les techniques ne sont pas forcément au point, les bras 
                  manquent, et il y a un prix. Je réfute l'idée que le surcoût 
                  de l'habitat écologique serait faible. Ce n'est pas 5 ou 10 % 
                  mais au moins 15 % dans le neuf, et beaucoup plus dans 
                  l'ancien. C'est l'une des vérités qui dérangent. Il faut 
                  vraiment investir.
 Prenons l'exemple de l'aéroport de 
                  Bordeaux. Voilà une installation de trigénération, qui génère 
                  du froid, du chaud et de l'électricité en même temps, financée 
                  par l'Europe et inaugurée en fanfare, que l'on laisse tomber 
                  parce que les tarifs d'électricité ont été négociés à la 
                  baisse. Plutôt que de rénover ce bâtiment, à la rentabilité 
                  physique énergétique exceptionnelle, on va le chauffer de 
                  manière traditionnelle. Un élu bien informé ne devrait pas 
                  laisser faire ça. Il faut arrêter de dire : "J'investis 100, 
                  j'économise 10, et dans dix ans je récupère ma mise." Ce temps 
                  du retour est une notion catastrophique pour les énergies 
                  renouvelables. La rupture technologique n'a pas eu lieu. Nous 
                  devrions aller vers d'autres conceptions de l'habitat, par 
                  exemple l'isolation par l'extérieur; or, les modes de 
                  construction ne permettent pas cette rupture. Qui construit 
                  nos maisons ? Un sous-traitant de troisième rang qui monte des 
                  blocs de béton. »
 
 
 Un choix de 
                  société. « Il 
                  faut revenir à l'information et à la formation, investir 
                  l'école, éduquer chacun de nous, le directeur de la société 
                  d'HLM, le maire. Regardons le débat télévisé très attendu 
                  entre Sarkozy et Royal pendant la campagne. L'un et l'autre 
                  ont dit des choses grossièrement fausses. Ce sujet a été 
                  négligé. Un objectif me tient à coeur : le savoir-faire des 
                  métiers. Aujourd'hui apparaissent des jeunes qui veulent 
                  travailler dans les énergies renouvelables avec des diplômes 
                  bac + 5. Mais ce n'est pas un métier. Un métier, c'est 
                  plombier, électricien, maçon, poseur d'isolant, de parpaings, 
                  ingénieur. Ce sont eux qu'il faut former. Il y a un an, pas un 
                  titulaire de CAP n'avait vu un chauffe-eau solaire lors de sa 
                  formation. C'est en train de changer. Ensuite, faisons tous 
                  les logements neufs sur le modèle des Passivhauser (2), des 
                  maisons bioclimatiques ou de haute qualité environnementale. 
                  Et attaquons-nous à cette rénovation. Qu'est-ce qui justifie 
                  aujourd'hui en France qu'il n'y ait pas systématiquement un 
                  chauffe-eau solaire de 4 mètres carrés sur les toits de chaque 
                  maison en construction, capable d'économiser la moitié de la 
                  consommation d'eau chaude sanitaire ? Nous laisser croire que 
                  ces décisions peuvent se prendre hors de la politique est un 
                  non-sens. Un choix de société va avec et les dirigeants ne le 
                  font pas. Quand je quitte mon bureau, j'éteins la lumière. Ce 
                  n'est pas une démarche de boy-scout. Je l'éteins parce qu'elle 
                  ne sert à rien. Et personne ne peut me contredire, même pas 
                  Claude Allègre. Lorsque les gens seront plus fiers de leur 
                  chauffe-eau solaire et de leur chauffage au bois que de leur 
                  BMW, nous aurons fait un grand pas. »
 (1) Ou encore produit de 
                  l'énergie positive. (2) Maisons passives à l'énergie solaire 
                  qui connaissent un succès croissant en Allemagne.
 
 « Nous aurons fait un grand pas quand nous serons 
                  plus fiers du chauffage au bois que de la BMW »
 
 
 
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